
« Les coups blessent, mais pas les mots » est l’un des plus grands mensonges jamais prononcés. Les mots font mal, et ceux que nous entendons à plusieurs reprises peuvent devenir des prophéties autoréalisatrices.
Surprendre quelqu’un qui dit quelque chose de peu flatteur à notre sujet nous touche et a un impact sur la relation que nous entretenons avec cette personne. Pensez-y. Quand avez-vous entendu quelqu’un dire quelque chose de peu flatteur à votre propos ? Quels ont été vos sentiments ?
La vérité est que les mots blessent.
Il en va de même pour les mots que nous utilisons pour décrire nos enfants. Ce que nous leur disons a plus d’impact que nous le pensons. Cela façonne leur personnalité ainsi que les relations que nous développons avec eux, bien au-delà de l’enfance.
Le danger des ÉTIQUETTES sur les enfants. Que dit la science ?
Les études de Howard Becker, dans les années 1960, ont été parmi les premières à essayer de comprendre le danger des étiquettes sur le comportement des enfants.
Selon lui, le comportement déviant chez les enfants est largement influencé par les types de jugements et d’étiquettes qui leur sont collées.
Bien que Becker n’ait pas affirmé qu’elles soient à l’origine d’un comportement délinquant, il a soutenu que l’étiquetage social des enfants peut contribuer à la déviance. Selon lui :
« La déviance n’est pas une qualité de l’acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence de l’application par les autres de normes et de sanctions à un ʺtransgresseurʺ. Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette. »
En d’autres termes, Becker était convaincu que le fait d’étiqueter les enfants influençait non seulement leur comportement, mais aussi la manière dont ils étaient perçus et traités.
À la même période, d’autres chercheurs se sont intéressés à l’impact de l’étiquetage des enfants. Dans une étude scientifique, Rosenthal et Jacobson ont pu montrer que les enfants dont on attend de bons résultats scolaires ont obtenu de meilleurs résultats que les autres.
Environ 20 % des élèves d’une école primaire ont été choisis au hasard et présentés aux enseignants comme « enfants intelligents. »
Un test de QI a été proposé à tous les enfants au début et à la fin de l’étude. Les chercheurs ont constaté que les élèves qui avaient été présentés comme « très intelligents » ont obtenu des scores significativement plus élevés quand le test de QI a été proposé lors de la deuxième phase.
Les études de Rosenthal et Jacobson ont inspiré ce qui, aujourd’hui, est appelé l’effet Pygmalion (ou effet Rosenthal & Jacobson). Ce phénomène suggère que les attentes positives influent sur la réalité et mènent à des prophéties autoréalisatrices.
Le phénomène inverse – l’effet Golem – suggère que les attentes négatives conduisent à des performances médiocres.
Les études de tous ces chercheurs ont fait l’objet de nombreuses critiques. On leur a reproché d’ignorer le fait que les individus n’agissent pas nécessairement conformément aux étiquettes utilisées pour les décrire.
Les critiques soutiennent qu’une étiquette « n’oblige » personne à réagir conformément à ce qui est dit de lui. Autrement dit, ce n’est pas parce que l’on dit de quelqu’un qu’il est un voleur qu’il est obligé de voler.
Certaines de ces études sont également restées difficiles à reproduire et n’ont pas pris en compte des questions telles que la culture, l’environnement et les contextes spécifiques.
Cela dit, nous savons aujourd’hui que les étiquettes influencent la manière dont les enfants sont perçus.
Dans l’étude citée, les chercheurs ont suggéré que lorsque les élèves ont été présentés comme « intellectuel », les enseignants ont semblé être plus attentifs à leur égard pour les aider à surmonter leurs difficultés.
Dit autrement, ils ont réagi aux enfants de façon différente, selon l’étiquette qui était utilisée pour les décrire.

Pourquoi faut-il éviter de coller une étiquette à nos enfants ?
Plus jeune, j’étais perçue comme quelqu’un d’assez maladroit. Donc, naturellement, j’étais l’un des enfants les plus maladroits que vous puissiez rencontrer. C’est comme si je ne pouvais pas m’en empêcher.
Des années plus tard, quand j’ai repensé à ma « période maladroite », j’ai remarqué que je l’étais plus souvent dans certains environnements et auprès des gens qui s’attendaient à ce que je me conduise de cette façon. Tous mes épisodes maladroits se sont produits auprès de ces personnes.
Plus « drôle » encore, quand je suis retournée dans le même environnement des années plus tard, la première chose que j’ai fait a été de faire tomber un plat, chose qui ne m’était pas arrivé depuis des années ! Le simple fait de me retrouver avec les mêmes personnes m’a fait agir de la manière que je pensais – inconsciemment – que l’on attendait de moi.
Je parie que vous avez déjà eu des expériences similaires. Nous avons tous tendance à agir conformément à ce que nous croyons que l’on attend de nous.
Nous avons tendance à être plus maladroits lorsque nous sommes avec des gens qui nous décrivent comme maladroits. Nous avons plus à dire en compagnie des personnes qui nous considèrent intéressants. Les enfants « difficiles » sont plus susceptibles de continuer à se comporter de façon inappropriée quand ils entendent, sans cesse, qu’ils sont « problématiques ».
Autrement dit, les mots utilisés pour nous décrire peuvent nous amener à croire que certains comportements font partie intégrante de notre nature.
Toutes les recherches disponibles disent que les étiquettes ont un impact négatif sur le comportement des enfants. Elles suggèrent que ces dernières peuvent :
- Changer l’image que les enfants ont d’eux-mêmes ;
- Changer la façon dont ils sont perçus par autrui. Par exemple, si vous qualifiez toujours votre enfant de « timide », tout le monde va le voir ainsi même s’il n’affiche pas de « comportement timide » ;
- Empêcher les enfants de changer leur comportement s’ils croient que l’étiquette utilisée décrit leur nature innée. En d’autres termes, si vous qualifiez toujours votre enfant « d’agressif », cela pourrait renforcer ce comportement, car, après tout, il est « agressif de nature » ;
- Limiter le potentiel des enfants – votre enfant n’aura aucune raison de mettre davantage d’efforts s’il croit qu’il est impossible de « changer la réalité ».

Comment éviter de coller une étiquette à nos enfants ?
Nous collons tous des étiquettes à nos enfants. Parfois c’est un lapsus, d’autres fois, non. Nous ne sommes même pas toujours conscients de le faire.
Malgré les critiques sur les recherches scientifiques disponibles, nous savons aujourd’hui que la façon dont nous décrivons nos enfants a un impact sur leur comportement.
Nous savons aussi qu’il y a toujours une meilleure façon, et un meilleur mot, pour décrire leur comportement. Il y a toujours plusieurs manières de voir les choses. Un enfant qui doit toujours « avoir le dernier mot » peut aussi être un « bon négociateur. » Un enfant « timide » peut être un « observateur. » Un enfant « têtu » peut être un enfant qui « n’a pas peur d’exprimer ses opinions ».
Il est toujours plus agréable d’entendre des choses positives à notre sujet. Lorsque nous nous concentrons sur les traits positifs de nos enfants, nous communiquons ce que nous pensons d’eux – désorganisé ou créatif, pipelette ou confiant, renfermé ou attentif.
Nos paroles servent aussi de base pour autrui. Elles influencent la façon dont les autres voient nos enfants.
Lorsque nous définissons toujours un enfant comme « très timide », d’autres personnes risquent de partager cet avis et de considérer cette timidité comme une caractéristique innée et négative.
Pourtant, lorsque vous choisissez un autre mot pour définir le même caractère, par exemple « pacifique », il est fort probable qu’ils ne vont plus considérer ce trait comme quelque chose de négatif.
Des étiquettes positives aident à construire nos enfants, mais cela ne veut pas dire qu’il faut fermer les yeux sur de mauvais comportements. Parfois, il faut appeler les choses par leur nom. Décrire un enfant agressif comme un leader ou un enfant peu soigneux comme un artiste ne fait que cacher des problèmes qu’il faut régler.
Aussi, ce n’est pas parce que vous parlez de votre enfant « têtu » comme « quelqu’un qui n’a pas peur d’exprimer ses opinions » qu’il ne faut pas lui apprendre à les exprimer respectueusement.
Autrement dit, modifier les mots que nous utilisons pour décrire nos enfants ne signifie pas les laisser s’en tirer avec un comportement négligent ou irrespectueux. Cela veut dire éviter les termes négatifs tout en faisant la tentative consciente de corriger tout mauvais comportement.
Cela induit de se concentrer sur le comportement plutôt que sur l’enfant.
N’oubliez pas que des stratégies telles que l’utilisation – correcte – du renforcement positif peuvent vous aider à vous débarrasser d’un comportement spécifique.

Derniers mots sur pourquoi il faut mettre fin aux étiquettes sur vos enfants
Les « étiquettes négatives » viennent immédiatement à l’esprit lorsque l’on parle d’étiqueter les enfants. Or, même les étiquettes positives sont nocives pour la simple raison qu’elles peuvent faire croire à votre enfant que son comportement est inné plutôt que le résultat de ses actions.
De plus, celles-ci peuvent conduire à une grande déception lorsqu’un enfant qui a toujours été étiqueté comme « très intelligent » obtient des résultats « médiocres ».
En d’autres termes, l’image de soi des enfants peut souffrir si les étiquettes auxquelles ils sont habitués s’avèrent fausses dans certaines situations – comme cela se produira sans aucun doute dans leur vie.
Carole Dweck a fait des études approfondies sur l’importance de se concentrer sur l’effort et le comportement des enfants, plutôt que sur les étiquettes. Elle parle du développement d’une « mentalité de croissance ».
Selon elle, les enfants doivent comprendre qu’ils ne sont pas impuissants – qu’ils peuvent changer les situations qu’ils rencontrent dans leur vie.
La parentalité axée sur la mentalité de croissance implique des stratégies telles que :
- Se concentrer sur les efforts de votre enfant : « Tu as beaucoup révisé. Regarde comment tes efforts ont payé » (apprend à votre enfant à associer effort et réussite) ;
- Se concentrer sur les solutions : « Que peux-tu essayer la prochaine fois ? » (au lieu de se concentrer sur l’échec) ;
- Concentrez-vous sur ce que vous voyez : « Je vois plein de belles couleurs et des textures dans ton dessin », « Je vois un chat noir » (au lieu de dire « magnifique » quand votre enfant vous montre son dessin).
Arrêter les étiquettes changera la façon de voir votre enfant, ce que vous pensez de son comportement et comment vous réagissez à celui-ci. La prochaine fois que vous êtes sur le point d’étiqueter votre enfant, faites une pause et réfléchissez à vos mots. Vous verrez que cela change tout !
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Références et lectures complémentaires
Comment l’étiquetage dans l’enfance influence l’estime de soi des jeunes adultes
Perceptions des enfants sur la déviance : théorie de l’étiquetage et abus d’alcool
C’est qui le vilain garçon ? Responsabilisation, thérapie familiale et l’enfant « vilain ».
L’étiquetage des enfants et la délinquance


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