
Certaines personnes feraient tout pour éviter de prendre le volant si leur dernière expérience était un désastre. D’autres éviteront certains évènements sociaux, car « ils n’ont jamais rien à dire ». D’autres encore ne postuleront jamais pour une promotion, car ils « savent qu’ils n’auront jamais le job ». Nos expériences passées influencent notre comportement et, lorsque ces expériences sont constamment négatives, nous adoptons ce qui a été décrit comme l’impuissance apprise.
L’impuissance apprise, c’est savoir que vous échouerez avant même d’essayer. C’est abandonner avant même de commencer. C’est, comme on dit, « savoir que la bataille est perdue d’avance ». Malheureusement, ce comportement est assez courant chez les enfants. Cela pourrait ressembler à :
- Votre fils est pessimiste et pense souvent qu’il échouera ;
- Votre fille ne fait pratiquement aucun effort, car elle a baissé les bras après maints échecs ;
- Votre enfant manque de motivation et « déteste l’école » ;
- Votre enfant demande rarement de l’aide, parce qu’il pense qu’en demander « ne changera rien » ;
- Votre fils manque de confiance en ses capacités ;
- Votre fille se focalise uniquement sur ses points faibles ;
- Votre enfant adopte une approche passive à tout (ou presque).
Comprendre les origines de l’impuissance apprise
Ivan Pavlov est souvent qualifié de « père du conditionnement classique ». L’une des expériences les plus connues a commencé lorsqu’il a remarqué que chaque fois qu’il donnait de la nourriture à un chien, ce dernier salivait. Il a alors décidé de sonner une cloche chaque fois qu’il le nourrissait. Avec le temps, le chien a appris à associer la cloche à la nourriture. En d’autres termes, chaque fois qu’il entendait la cloche, il salivait, qu’il y ait de la nourriture ou non.
Le conditionnement classique était une grande découverte scientifique. Cela a permis de montrer qu’associer un stimulus conditionné (la nourriture) à un stimulus inconditionné (la cloche) pouvait conduire à une réponse conditionnée spécifique (saliver). Les études de conditionnement classique ont permis de faire de grands progrès dans la compréhension du comportement humain tel que la peur et l’anxiété.
C’est grâce au conditionnement classique que Martin Seligman et ses collègues ont développé la théorie de l’impuissance apprise. Dans une expérience bien connue, ces chercheurs ont divisé les chiens en trois groupes et ont administré un léger choc aux chiens des groupes 2 et 3. Alors que les chiens du groupe 2 ont pu appuyer sur un levier pour arrêter le choc, ceux du groupe 3 n’avaient aucun moyen d’y mettre fin.
Après avoir fait cela à plusieurs reprises, les chiens ont été placés dans des caisses avec une clôture au-dessus de laquelle ils pouvaient facilement sauter. Les caisses étaient divisées en deux côtés — un côté était électrifié, l’autre non. Les chercheurs ont fait l’hypothèse que les chiens placés du côté électrifié sauteraient de l’autre côté de la clôture lorsqu’ils recevraient le choc. Ils ont été surpris de voir que si les chiens du groupe 2 ont immédiatement sauté de l’autre côté après la réception du choc, ceux du groupe 3 se sont simplement couchés après l’avoir reçu.
Cette expérience a montré que les chiens du groupe 3 avaient appris à s’attendre à l’échec — que les chocs étaient inévitables — alors, ils ont baissé les bras. Cette expérience a fourni la preuve que l’impuissance apprise existe, c’est-à-dire la croyance que l’on ne peut pas sortir d’une situation perçue comme inéluctable.
Ce que nous savons de l’impact de l’impuissance apprise sur les enfants
Depuis les études montrant que les sentiments d’impuissance sont « appris », d’autres chercheurs sont parvenus à des conclusions similaires. Dans une étude, ils ont cherché à comprendre comment l’échec affecte les performances futures des élèves. Ces derniers ont été divisés en deux groupes et soumis au même test, la seule différence étant que le premier groupe a commencé par des questions extrêmement difficiles, puis est passé aux questions les plus faciles et, le second groupe, a commencé par les questions les plus faciles avant de passer aux questions les plus difficiles.
Il a été constaté que les résultats des élèves ayant commencé par les questions les plus difficiles étaient moins bons que ceux qui avaient commencé par les questions faciles. Les chercheurs l’ont expliqué par la possibilité que les questions difficiles en début de test avaient amené les élèves à douter de leurs capacités. La science a montré que les expériences négatives affectent le comportement et les performances et conduisent souvent à des sentiments d’impuissance. Pire encore, cet état d’impuissance acquise est courant chez les enfants et peut persister à l’âge adulte si ces derniers n’apprennent pas à changer leur façon de réagir à l’échec.
L’impuissance apprise survient après des expériences négatives répétées. Cela explique pourquoi il est fréquent chez les enfants dans des contextes familiaux difficiles. Par exemple, un enfant qui a l’habitude d’être ignoré (négligence, maltraitance), apprend à ne pas demander de l’aide. Ce comportement est également courant chez les enfants ayant des difficultés d’apprentissage ou chez ceux qui sont hyperactifs ou manquant de concentration. Cela s’explique simplement par le fait que les enfants qui rencontrent régulièrement des échecs peuvent apprendre à se considérer comme « incapables de réussite » et donc, de tout abandonner. Mais il y a une bonne nouvelle : l’impuissance acquise est un comportement « appris » et il peut donc être « désappris ». Voici quatre conseils qui peuvent aider votre enfant.
Quatre conseils pour aider votre enfant à surmonter son impuissance acquise
- Aidez votre enfant à développer un style explicatif optimiste
« Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? » est une expression courante que l’on dit aidant à déterminer si un individu a une disposition optimiste ou pessimiste. En fait, il s’est avéré que la façon dont votre enfant s’explique mentalement les évènements de sa vie a un impact sur la façon dont il voit et réagit à ceux-ci. S’il prend l’habitude de considérer que tout ce qui lui arrive est « indépendant de sa volonté », il apprend qu’il ne peut pas faire grand-chose pour changer les évènements de sa vie, mais s’il a un style explicatif optimiste, il sait que, même s’il ne contrôle pas nécessairement les choses qui lui arrivent, celles-ci ne sont que des revers temporaires.
Un moyen simple d’aider votre enfant à développer un style explicatif positif est d’en développer un vous-même. Pensez à la façon dont vous réagissez aux évènements inattendus de votre vie — lui apprenez-vous à développer une vision de la vie pessimiste ou optimiste ?
2) Aidez-le à comprendre le lien entre l’effort et le succès
Les études de Carol Dweck sur le développement d’une mentalité de croissance ont montré que la perception de l’échec de votre enfant a un impact sur son comportement futur. Aider votre enfant à développer une mentalité de croissance signifie lui apprendre que l’effort peut améliorer ses performances. Cela veut dire l’encourager à réfléchir à ce qu’il peut faire face à l’échec :
- Que ferais-tu la prochaine fois ?
- Que peux-tu essayer d’autre ?
- Quelles autres stratégies peuvent t’aider ?
- Que peux-tu commencer à faire tous les jours (semaines/dimanches) pour réussir la prochaine fois ?
Votre enfant doit savoir que son comportement (adopter des stratégies de révision appropriées, demander de l’aide, réviser régulièrement plutôt qu’essayer de tout mémoriser à la dernière minute, jouer de son instrument de musique pendant quelques minutes chaque jour, etc.) détermine largement son succès.
Dire à votre enfant que vous savez « qu’il est capable de réussite » est rarement suffisant. N’oubliez pas qu’il existe des ressources qui peuvent l’aider à appliquer des stratégies explicites pour adopter une mentalité de croissance.
3) Aidez votre enfant à se concentrer sur ses points forts
Les enfants aux prises avec l’impuissance acquise sont enfermés dans un cercle vicieux. Ils échouent maintes fois et apprennent à considérer l’échec comme incontournable. Mais tous les enfants ont des points forts et les amener à les découvrir peut les aider à surmonter le sentiment de désespoir.
Prenez un moment et observez les points forts de votre enfant : qu’est-ce qu’il aime faire ? Où sont ses talents ? Quand est-il le plus heureux ? Quand montre-t-il le plus de concentration ?
Montrez à votre enfant qu’il est capable de réussir.
4) Multipliez les chances de réussite de votre enfant
Dans l’expérience que j’ai citée précédemment, les enfants qui ont commencé par les questions difficiles ont appris à douter de leurs capacités et ont eu de moins bons résultats sur les questions les plus faciles. Si votre enfant rencontre à plusieurs reprises des situations difficiles et complexes dans lesquelles il est difficile de réussir, il apprend que ce n’est pas la peine d’essayer.
C’est pourquoi il faut des attentes appropriées — ni trop difficiles ni trop faciles — pour éviter une impuissance acquise. Il peut s’agir d’attendre qu’il maîtrise une compétence précise avant de passer à la suivante, de l’aider à faire une tâche ménagère avant de le laisser la faire seul, ou de répartir les tâches pour les rendre plus gérables.
La chose la plus essentielle à retenir lorsque vous faites face à l’impuissance apprise est qu’il est important que votre enfant sache qu’il est normal de demander de l’aide et que vous êtes là s’il a besoin de vous.
Les références
Impuissance apprise : L’effet de l’échec sur les évaluations
Des problèmes de performance suite à l’échec : Impuissance acquise ou protection de l’estime de soi
Effets d’un choc inéluctable lors d’une évasion ultérieure et d’une réponse d’évitement
Une approche sociocognitive de la motivation et de la personnalité


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