
Le monde a souvent perçu les gens considérés comme « différents » avec méfiance. Il les catégorise, leur attribue des étiquettes et leur met des stéréotypes.
Les enfants aussi sont souvent « catégorisés » et traités en fonction de la façon dont ils sont perçus : nul en math, tête en l’air, trop indiscipliné, trop calme, trop sensible, trop bavard, pas assez bavard, etc. Mais le problème est que les stéréotypes peuvent avoir un impact terrible sur le comportement de votre enfant. Selon la recherche, ceux-ci exercent une pression invisible sur les enfants comme sur les adultes, les poussant à se conformer aux étiquettes avec lesquelles ils sont décrits. En termes scientifiques, c’est ce que l’on appelle la menace du stéréotype.
Ce terme a été utilisé pour la première fois par Aronson et Steele pour expliquer l’effet des stéréotypes sur le comportement et les performances. Ces chercheurs ont constaté que même lorsqu’un individu ne croyait pas aux stéréotypes à son sujet, le simple fait d’être conscient qu’autrui les croyait l’affectait.
Des critiques ont été formulées contre les études autour de ce phénomène pour plusieurs raisons. Certaines d’entre elles soutiennent que la suppression de la menace du stéréotype ne peut pas éliminer complètement les différences de performances ou de comportement. Selon elles, il existe d’autres problèmes pouvant expliquer les disparités entre des personnes. Cela dit, de nombreuses preuves suggèrent que réduire la menace du stéréotype peut avoir un impact positif sur le comportement et les performances.
Dans une étude, les chercheurs ont constaté que les étudiantes à l’université ayant les mêmes compétences et qualifications que leurs collègues masculins ont obtenu de moins bons résultats à un test de mathématiques quand on leur disait que le test distinguerait les genres. En d’autres termes, elles avaient de moins bons résultats quand, avant le test, on leur avait dit que les hommes réussissent mieux que les femmes en mathématiques. Les différences ont été éliminées lorsque le test a été décrit comme ne distinguant pas les genres.
Dans une autre étude, des athlètes ont été invités à participer à un test sportif. Les chercheurs ont constaté que les athlètes noirs obtenaient de moins bons résultats lorsqu’un test sportif était présenté comme un test « d’intelligence sportive » et que les athlètes blancs avaient de moins bons résultats lorsqu’on leur disait que le test portait sur « l’aptitude athlétique naturelle ».
La menace du stéréotype affecte également les enfants et nous savons maintenant qu’elle peut entraîner de plus mauvaises performances, un comportement inapproprié, une faible confiance en soi et un désengagement. Cela est parfaitement logique : un enfant qui croit être « nul en math » peut commencer à penser que cela est inné et à faire peu d’efforts à cause de sa croyance que « l’effort ne changera rien ». Un enfant qui est toujours décrit comme « bordélique » ou agressif ou lent ne cessera pas de l’être, car plus il est décrit avec ces étiquettes, plus il va croire que ces étiquettes représentent ce qu’il est au fond.
Nous savons aujourd’hui que plus un individu s’identifie à un stéréotype, plus les risques de menace du stéréotype sont élevés. Certains chercheurs suggèrent que cela peut s’expliquer par l’angoisse et l’anxiété qui influencent leur mémoire de travail et leurs fonctions exécutives.
La menace du stéréotype peut avoir des conséquences à long terme sur le comportement de votre enfant. Elle peut impacter sa performance, l’amener à se mettre tout seul des bâtons dans les roues ou même le pousser à se désengager des situations qu’il juge menaçantes.
Cinq choses que vous pouvez commencer à faire aujourd’hui pour augmenter le sentiment de confiance en soi de votre enfant
- Les stéréotypes positifs peuvent aider votre enfant à avoir confiance en lui
La théorie du stéréotype positif suggère qu’exposer les individus à des stéréotypes positifs peut aider à améliorer leurs performances.
Dans une étude, on a rappelé aux femmes et aux hommes la menace du stéréotype concernant les mathématiques (les hommes sont meilleurs que les femmes en mathématiques). Les femmes ont ensuite été divisées en deux groupes. Avant de passer un test de mathématiques difficile, un groupe a lu des biographies de femmes qui avaient réussi dans la vie, l’autre non. L’étude a révélé que les femmes qui avaient lu les brèves biographies de jusqu’à quatre femmes avant de passer le test avaient des scores aussi bien que les hommes et celles qui n’avaient lu aucune biographie des plus mauvais scores que les hommes.
Bien qu’il n’y ait aucune garantie que des stéréotypes positifs puissent augmenter les performances ou changer les comportements, plusieurs études ont montré que familiariser les enfants avec des « gens comme eux » qui ont réussi à défier les stéréotypes, contribue à améliorer leur image de soi et peut les motiver à poursuivre des activités ou les chemins qu’ils auraient évités auparavant.
2) Renforcez la capacité de votre enfant à gérer ses émotions
Apprendre à votre enfant à identifier et à gérer les émotions difficiles telles que l’anxiété et la frustration est important pour réduire l’anxiété et l’angoisse de performance. Prendre l’habitude de parler à votre enfant de ses émotions et des vôtres et lui donner les outils pour faire face aux émotions difficiles est le moyen le plus efficace de renforcer ses capacités de régulation émotionnelle. N’oubliez pas que des ressources adaptées aux enfants peuvent vous donner les outils dont vous avez besoin pour communiquer avec lui sur les émotions.
3) Aidez votre enfant à adopter une mentalité de croissance
La théorie de la mentalité de croissance a été développée par Carole Dweck qui a constaté que les enfants ayant une perception fixe (par exemple ceux qui croient que l’intelligence est innée) ont de moins bons résultats que ceux qui croient que la performance est liée à l’effort. Ils avaient également tendance à faire moins d’efforts en raison de leur conviction qu’ils étaient « naturellement moins intelligents ».
Dweck a constaté que les enfants ayant une mentalité de croissance croient qu’ils ont le pouvoir de faire bouger les choses. Ils sont persuadés que grâce à l’effort ou l’adoption de stratégies spécifiques, ils peuvent améliorer leurs performances ou leur comportement.
Des études sur la menace du stéréotype ont également démontré que persuader des individus que l’intelligence est malléable et peut donc être améliorée contribue à augmenter leurs performances.
Comment aider votre enfant à adopter une mentalité de croissance
Aidez-le à identifier les domaines dans lesquels il a une mentalité fixe. Il est impossible de favoriser une mentalité de croissance s’il ne sait pas sur quoi il doit travailler.
Aidez-le à considérer l’échec et les erreurs comme des problèmes à résoudre. Un moyen facile d’y parvenir est de lui poser des questions qui l’aident à réfléchir sur son comportement : Comment vas-tu y parvenir ? Qu’est-ce que tu penses ? Que penses-tu que nous pouvons changer ? Que changerais-tu ?
Apprenez à votre enfant à se concentrer sur l’avenir — que vais-je faire la prochaine fois ? — plutôt que sur le passé.
4) Renforcez la mémoire de travail et les compétences des fonctions exécutives de votre enfant pour nourrir sa confiance en soi
J’ai mentionné plus tôt que les stéréotypes peuvent avoir un impact sur la mémoire de travail et les compétences des fonctions exécutives de votre enfant. Renforcer ces compétences peut donc booster sa confiance dans ses capacités et réduire la menace du stéréotype.
Le fonctionnement exécutif fait référence à un ensemble de processus cognitifs interdépendants qui affectent le bien-être émotionnel, physique et psychologique de votre enfant. Il est responsable de sa capacité à « fonctionner » de manière appropriée et a un impact sur son comportement et sa capacité à mener à bien une tâche ou un projet donné.
Un moyen simple de renforcer les capacités de fonctionnement exécutif de votre enfant est de lui proposer des jeux et des activités qui l’obligent à écouter et à suivre les instructions. Des jeux simples tels que Jacques a dit ou les chaises musicales sont d’excellents exemples pour l’aider à travailler sur ces compétences.
Les jeux d’association qui l’obligent à trouver des correspondances ou à trier différents objets/informations lui permettent également d’exercer ses fonctions exécutives. L’outil « Stop à l’ennui : plus de 101 exercices pour stimuler la concentration et l’autonomie de votre enfant tout en s’amusant » est spécialement conçu pour aider votre enfant à travailler sur sa concentration, sa motricité fine et sa pensée indépendante.
Les jeux de société qui aident à améliorer la concentration de votre enfant et l’obligent à réfléchir, à garder des informations en tête et à élaborer des stratégies sont également parfaits pour développer ses fonctions exécutives. En fonction de son âge, les puzzles, les labyrinthes et les jeux de cartes sont de bons exemples. Les jeux d’imitation, les jouets de construction, les jeux imaginaires et les jeux de rôle peuvent aussi stimuler les fonctions exécutives de votre enfant.
5) Utilisez les affirmations positives de la bonne manière
Des étudiants en médecine devaient réfléchir à une valeur positive ou s’attribuer une valeur positive avant d’effectuer une tâche. Les chercheurs ont constaté que le fait de permettre aux élèves de réfléchir à leurs valeurs avait un effet calmant, aidait à réduire l’anxiété et l’angoisse de performance et les rendait moins vulnérables à la menace du stéréotype.
Cela dit, utiliser des affirmations positives avec des enfants est une affaire délicate. Un enfant qui se sent peu courageux ne trouvera pas sa valeur en répétant « Je suis courageux, je suis courageux, je suis courageux », mille fois et cela est parfaitement logique. Si votre enfant ne croit pas aux affirmations déclarées, ces affirmations échoueront.
Voici trois conseils simples pour utiliser des affirmations positives avec les enfants :
1) Faites-en sorte que votre enfant se considère comme quelqu’un capable de réussite
Le succès engendre le succès. Si votre enfant rencontre constamment des échecs, il commencera à croire qu’il est incapable de réussir. Concrètement, cela signifie qu’il est important de fixer des attentes raisonnables qui lui permettent de réussir, puis d’augmenter vos attentes lorsqu’il rencontre la réussite à plusieurs reprises. Il ne s’agit pas uniquement de tâches académiques, mais aussi les tâches ménagères à la maison.
Faites en sorte que votre enfant se sente bien dans sa peau. Bannissez les étiquettes négatives et utilisez des mots qui augmentent son estime de soi. Voici un téléchargement gratuit des phrases que chaque enfant a besoin d’entendre.
Ne surestimez pas les capacités de votre enfant. Plusieurs études ont démontré que plus la tâche est difficile, plus le risque de la menace du stéréotype est élevé. Cela signifie que pour réduire celle-ci, il est important de définir des attentes appropriées en fonction de ce que votre enfant est réellement capable d’accomplir et d’augmenter progressivement ces attentes à mesure qu’il s’améliore. Votre enfant a besoin de réussir, mais ce succès doit être authentique.
2) Aidez votre enfant à bannir les pensées négatives
Les enfants sont très doués pour le discours négatif : Je n’y arriverai jamais, ça ne changera rien, je ne gagnerai jamais, je ne gagne jamais…
Adopter des routines de gratitude pour la famille est un moyen formidable et facile de leur montrer qu’eux aussi ont de quoi être reconnaissant. Aider votre enfant à adopter une mentalité de croissance peut également aider à bannir les pensées négatives. En apprenant à votre enfant à se concentrer sur l’avenir (que vais-je faire la prochaine fois ?), vous augmentez sa capacité à se concentrer sur les solutions.
3) Apprenez à votre enfant à adopter une attitude en adéquation avec le comportement que vous souhaitez
Que signifie pour vous être « courageux » ou « confiant » ? Comment l’expliquez-vous à votre enfant ? De nombreux concepts sont assez compliqués à comprendre lorsque l’on est enfant. Au lieu de vous attendre à ce que votre enfant soit « courageux », apprenez-lui à quoi ressemblent « les personnes courageuses » et concentrez-vous sur les actes qui mènent à ce comportement.


Références scientifiques
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103198913713
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17500650/
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22288527/
https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/014616702237648
https://psycnet.apa.org/record/2011-27639-008
https://psycnet.apa.org/record/1999-15054-009
https://deepblue.lib.umich.edu/bitstream/2027.42/68558/2/10.1177_0146167298241003.pdf
Un article riche et très bien fourni. Merci beaucoup 😊
Ce qui marche bien dans mes séances d’activités physiques est aussi de fractionner le but recherché, par exemple sauter plus loin.
Et d’en assurer le suivi individuel de l’enfant par un tableau, une marque au sol révisée chaque séance par lui-même.
Aussi de faire comprendre en quoi elle peut ne pas évoluer voir régresser en fonction d’autres critères que l’enfant ne comprends pas toujours sur l’instant.
Message au passage à ceux qui donne des médailles aux derniers en compétition. Beaucoup d’enfants en âge d’avoir l’esprit de compétition en retire une frustration énorme et une baisse d’estime de soi. Et associe donc inconsciemment la médaille à une défaite…
Un grand merci pour votre message, et merci d’avoir partagé vos connaissances avec nous. J’espère que nous aurons le plaisir de lire un de vos articles sur ce blog 😉