
Lorsque l’idée de la mort a émergé dans l’esprit de notre fils, nous n’avons pas pu dormir pendant de nombreuses nuits. Il n’en parlait pas directement, mais il était devenu quasiment impossible de le coucher ou de faire en sorte qu’il dorme toute une nuit sans nous réveiller.
Il hurlait qu’il avait soif à deux heures du matin. Une heure plus tard, il voulait se rendre aux toilettes, ensuite il voulait boire de nouveau, et ainsi de suite…
La mort est un sujet particulièrement important pour quelqu’un de si petit. « Que se passerait-il si je me réveillais et que vous étiez morts ? » La nuit où il a pu mettre des mots sur son angoisse marque le moment où nous avons changé de regard sur ce que nous considérions comme des caprices.
Nous avions trop rapidement mis son comportement sur le compte de l’indiscipline et n’avions jamais essayé de comprendre pourquoi nos menaces ne modifiaient que très temporairement son comportement.
Les émotions d’un enfant sont importantes, voire très importantes, et elles ne disparaissent pas lorsqu’elles sont ignorées. Au contraire, elles s’amplifient et peuvent avoir de lourdes conséquences.
Les études menées sur l’intelligence émotionnelle révèlent que :
- Les enfants ne peuvent pas exprimer leurs émotions de façon appropriée s’ils ne les comprennent pas.
- Les jeunes enfants, notamment, ressentent de vives émotions, mais sont incapables de faire la distinction entre la tristesse, la colère ou la frustration.
- Les cris et les colères peuvent indifféremment exprimer de la culpabilité, de l’embarras, de la frustration, tout comme les cauchemars, des comportements alimentaires devenus anarchiques ou des douleurs physiques comme les maux de tête ou de ventre peuvent être le signe d’un bouleversement d’ordre émotionnel.
- Les enfants qui ont conscience de leurs émotions sont plus aptes à l’école, plus épanouis et réussissent mieux au primaire et par la suite.
- La manière dont nous répondons aux émotions de notre enfant influe sur sa façon de les percevoir et de les gérer. Inspiré par les études de John M. Gottman, le « coaching émotionnel » a démontré son efficacité en termes de discipline.
- Les enfants à qui on apprend à reconnaître et à gérer leurs émotions, ont de meilleures relations sociales, moins de problèmes comportementaux, de meilleurs résultats scolaires, une meilleure santé physique et mentale et sont moins susceptibles de recourir à la violence.
Ce coaching s’appuie sur le développement de l’intelligence émotionnelle, autrement dit la capacité à reconnaître et à répondre de façon appropriée aux émotions.
Comment devenir le coach émotionnel de son enfant

1) Faire prendre conscience à votre enfant de ses émotions
Les enfants éprouvent souvent des difficultés à mettre des mots sur leurs émotions, parce qu’ils ne comprennent pas toujours ce qu’ils ressentent.
Il faut donc commencer par leur expliquer que tout le monde a des émotions et que celles-ci ne les définissent en rien (être frustré ou en colère, ne les rend pas « méchants » ou « mauvais »). Ce qui compte, c’est leur réaction face à ses émotions.
D’après le professeur Diamond, aider un enfant à mettre un mot sur ses sentiments est un apprentissage essentiel.
En identifiant ses différentes émotions à haute voix, il sera mieux à même d’en contrôler l’expression.
Comment faire concrètement ?
Écoutez attentivement ce qui est dit (ou non). Posez des questions. Aidez votre enfant à « nommer ses émotions ». Des ressources telles que le jeu des émotions sont une façon ludique d’apprendre aux enfants les émotions.
Pour revenir à notre exemple personnel, comprendre ce qui se cachait derrière l’insomnie de notre fils nous a permis d’aborder le sujet de la mort. Il s’agissait en fait de deux évènements vécus au sein de notre famille, mais dont nous n’avions jamais ouvertement parlé : un des grands-pères de notre fils était décédé lorsqu’il avait 6 mois, le deuxième, juste après ses deux ans. Nous avions toujours pensé que la disparition de ses aïeuls n’avait eu aucun impact sur notre fils, puisqu’il les avait peu connus, mais nous avions tort.
Être confronté à des émotions difficiles, telles que la colère, l’anxiété ou la jalousie, d’un enfant nous donne l’occasion de l’aider à les exprimer et à les gérer.
« Mettre une distance » par la parole sert ainsi à identifier une émotion. Vous pouvez par exemple lui demander comment se sentirait un de ses amis dans la même situation et appliquer sa réponse à son propre cas.
Ce guide est une ressource pratique pour aider votre enfant à apprendre à exprimer ses émotions (et comprendre celles des autres) d’une manière simple et amusante.
Ressources utiles: Pourquoi et comment parler des émotions aux enfants

2) Reconnaître les facteurs déclenchants
Nous avons tous des déclencheurs émotionnels. Quelqu’un peut vous faire une simple remarque et vous ressentirez immédiatement de la colère ou serez contrarié pour la journée.
L’insomnie de notre enfant était causée par sa peur de nous perdre. D’autres émotions sont suscitées par un sentiment d’impuissance, de peur ou de rejet, un besoin d’autonomie, etc. En identifier l’origine peut aider votre enfant à mieux se connaître et à gérer ses émotions.
3) Apprendre à votre enfant à réagir de façon appropriée
Cet apprentissage nécessite que votre enfant connaisse vos limites. Concentrez-vous sur la réaction plutôt que sur l’émotion pour que votre enfant comprenne qu’il est normal de ressentir des émotions, mais qu’il est responsable de la façon dont il réagit.
Comment faire concrètement ?
- Soyez clair sur ce qui est acceptable, tolérable et inacceptable.
- Soyez clair sur les conséquences d’un comportement inapproprié.
Un des objectifs essentiels du coaching émotionnel est d’apprendre à votre enfant à réagir à ses émotions.
Réfléchissez ensemble aux manières acceptables d’exprimer ses émotions. Proposez des options, mais dans la mesure du possible laissez à votre enfant le choix de son mode d’expression.
Aidez-le à dresser la liste ou dessiner les différentes émotions, les signes avant-coureurs et les façons de réagir à chacune de façon appropriée.
Pour guider votre enfant, vous pouvez lui posez des questions telles que : « est-ce que cela ferait de la peine à quelqu’un ? », “est-ce que tu penses qu’elle est triste?”…
Les colères de notre fils sont souvent précédées de plaintes et parfois signe d’ennui. Lorsqu’il commence à geindre, nous attirons son attention sur son comportement et lui demandons de choisir entre différentes activités sélectionnées au préalable ou nous lui proposons de jouer ensemble pendant 10 minutes.
Montrer à son enfant comment s’apaiser lui-même lorsqu’il se sent débordé par ses émotions fait aussi partie du coaching émotionnel.
On peut par exemple lui proposer des exercices de respiration profonde, comme « souffler dans un ballon », l’inviter à se concentrer sur des pensées positives ou encore à prononcer certaines phrases à voix haute. Ce guide propose de nombreuses pistes pour aider votre enfant à apprivoiser ses émotions.
4) Parler et écouter
Parler, même 5 minutes, à chacun de vos enfants individuellement peut être une stratégie particulièrement efficace. Exprimez vos propres sentiments : Qu’est-ce qui vous rend heureux ? Triste ? Qu’est-ce qui vous met colère ? Comment gérez-vous vos émotions ?
Posez les mêmes questions à vos enfants et d’autres comme : qu’ont-ils particulièrement aimé faire aujourd’hui ? Quel fut le meilleur moment de leur journée ? Qu’est-ce qui les a fait rire ? Bref, parlez de tout et de rien.
Cette approche est également préconisée par Jane Nelsen, auteur du fameux ouvrage La discipline positive.
5) Travaillez la gestion de vos propres émotions

Lorsque notre fils s’est mis à nous questionner sur la mort, je me suis rendu compte que je n’avais pas moi-même géré les émotions qu’avait suscitées la mort de mon père. Comprendre ce que je ressentais m’a donné les moyens d’aborder le sujet avec mon fils.
Il est difficile d’aider un enfant à gérer ses émotions, lorsque les nôtres s’interposent.
Vous avez le droit de ressentir des émotions et de le montrer à votre enfant, mais puisqu’il apprend en vous imitant, vous devez trouver vos propres « techniques de gestion de crise » pour lui montrer ce qu’est une réaction appropriée.
Vous avez le droit d’être en colère, mais n’oubliez pas que votre enfant apprend à gérer sa colère en prenant exemple sur vous.
Au fil du temps, j’ai trouvé quelques astuces pour contenir ma propre colère : respirer à fond, prendre du recul en s’éloignant un moment et me répéter à voix haute « je vais rester calme ». Oui, je sais : ça a l’air pas “trop sérieux”, mais ça marche !
Quelques trucs à retenir pour mieux coacher son enfant
Apprendre à un enfant à gérer ses émotions n’est pas chose aisée. Cela demande de la pratique et d’être prêt à changer de tactique en cas d’échec. Pour cela, restez concentré sur vos objectifs à long terme.
Il faut être pleinement disponible pour que le coaching émotionnel réussisse. Mieux vaut ne pas tenter l’expérience en public ou lorsque vous êtes fatigué ou stressé.
Attention : il existe une différence de taille entre de fortes émotions que votre enfant ne parvient pas à exprimer et de sérieux problèmes de comportement tels que la manipulation, la provocation ou l’agression physique et verbale.
Le coaching émotionnel ne permet pas de résoudre des problèmes de cet ordre.
ACTIONS CONCRETES
Dès cette semaine, évoquez les différentes émotions avec votre enfant. Aidez-le à les reconnaître. Certaines ressources sont très utiles pour illustrer différents états d’esprit.
Si votre enfant éprouve des difficultés à exprimer certaines émotions, verbalisez la situation en lui disant : « je sais que tu es en colère… », « je me rends compte que tu es frustré… ».
Choisissez UN comportement à modifier et aidez-le à trouver d’autres modes d’expression pour réagir lorsqu’il est confronté à un élément déclencheur.
Références scientifiques et lectures complementaires
Les colères de votre enfant – quand s’inquiéter ?
Une stratégie simple et efficace contre les colères de votre enfant
Comment réduire la vulnérabilité émotionnelle des enfants
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17605527
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/7805351
http://people.oregonstate.edu/~mcclellm/ms/Ponitz_McClelland_Matthews_Morrison_DP09.pdf



J’aime Beaucoup cette façon d’aborder les émotions de l’ enfant.
Ça m’aide Personnellement à mieux comprendre certaines colères et émotions de mon bébé de 17 mois.
Merci pour votre commentaire 🙂